Sans filtre
Je me souviens parfaitement de ma première rencontre avec David Chevé. J’ai pénétré dans son minuscule salon de coiffure un soir de pluie, en décembre. Je me rappelle de son regard brillant, de ses yeux perçant, de la platine vinyle posée à ras du sol, d’une grosse enceinte et d’une musique que je n’oublierais jamais : un extrait du premier album du groupe Spain. Dix ans plus tard, cet homme, qui est devenu mon ami, m’envoie son premier EP. J’ai eu peur avant de l’écouter. Il faut me comprendre, je l’aime tant, ce type, aussi. Mais j’adore les obsédés. Et David, son obsession, c’est la musique. Tout môme déjà, il n’avait pas de Doudou mais des mélodies à la place, des mélodies qu’ils s’inventaient. Son premier concert, il l’a tenu dans un camping en Anjou, à l’âge de six ans, une raquette jaune en plastique en guise de guitare. Il chantait entre les caravanes : je suis un enfant !
C’est vrai, David est un enfant. Un enfant du rock. Un enfant rock. Un enfant des Black Session de Bernard Lenoir, de Lou Reed et des Velvet. Et, comme pour réaliser un vieux rêve de gosse, c’est au château d’Hérouville qu’il a voulu enregistrer l’intégralité de ses titres. Le résultat : un shoot sans filtre. Six chansons en français qui passent de sa voix directement dans nos veines. Ça vous prends, ça vous entraine, ça vous submerge et lorsqu’il vous murmure de sa voix grave que : demain arrive enfin, on se dit peut-être bien qu’en fait, c’est vrai, que c’est bien terminé tout ce mauvais rêve. Dans cet EP réalisé par le producteur du chanteur Christophe, on songe certes à Bashung ou à Dominique A mais on songe surtout à quelqu’un d’autre. Quelqu’un qui n’existait pas encore. Une particularité. Une classe. Une évidence. On songe à cette phrase de Boris Vian : « La question ne se pose pas. Il y a trop de vent. » Voilà. La question ne se pose plus. Un vieil enfant vient de naitre. Un enfant de 46 ans. Un enfant céleste plein de délicatesse et de chagrins d’amours. Un artiste sans filtre. - Nicolas Rey
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